Dans les dunes de Kandahar, en Afghanistan, le rendez-vous des passionnés de 4x4
Dans un rugissement de moteur assourdissant, des véhicules tout-terrain partent à l'assaut des dunes ocres du désert de Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan. Ce bastion historique des talibans accueille chaque week-end un rassemblement de 4x4 attirant une foule de passionnés.
"Le désert, c'est la moitié de la beauté de la province de Kandahar", s'émerveille Abdul Qadir, 23 ans, qui tient une boutique dans la ville éponyme, située à une quarantaine de kilomètres du sanctuaire Ibrahim Khalifa Baba, le lieu-dit où se tient le rassemblement.
Le vendredi, jour de week-end en Afghanistan, "les jeunes viennent ici pour visiter et pour s'amuser. Ils emmènent leur voiture et ces zones sableuses sont leur terrain de jeu", raconte-t-il, installé sur un tapis coloré à côté d'un feu de bois.
Lui est venu en spectateur, comme d'autres jeunes hommes - les femmes ne sont pas autorisées à s'y rendre - car sa petite voiture n'a pas la puissance pour prendre part à ce spectacle tonitruant.
Seuls de gros véhicules tout-terrain rutilants tentent de grimper à toute vitesse en haut des dunes dans un ballet désordonné. Certains conducteurs se retrouvent bloqués à mi-chemin et doivent repartir en arrière.
Partenaire d'un concessionnaire automobile dans la ville de Kandahar, Mohammed Rahim, 25 ans, vient régulièrement là depuis quatre ans avec ses amis pour conduire et profiter "de l'atmosphère très plaisante".
"Nous avons acquis de l'expérience en conduisant dans ces dunes depuis tout ce temps. Nous n'avons plus l'angoisse du jeune conducteur. Tous ceux qui conduisent ici ne ressentent plus la peur", explique-t-il.
Les gros véhicules tout-terrain passent tout près des spectateurs qui, malgré le nuage de sable, filment avec leur téléphone portable.
"Il arrive qu'il y ait des accidents, mais ce qui est bien c'est que quand une collision se produit, personne ne demande de compensation", note Haji Abdul Samih, un employé des douanes qui vient régulièrement comme spectateur.
Les participants affirment qu'aucun accident n'a fait de blessé ni de mort lors de ce rassemblement du week-end dans le désert. En Afghanistan, les accidents routiers sont une des principales causes de décès, a rappelé début décembre l'ONU-Habitat.
- Jusqu'à 80.000 dollars -
"Toutes les voitures que vous voyez ici coûtent au moins 8.000 à 9.000 dollars. Certaines valent jusqu'à 40.000 dollars, voire 80.000 dollars" (68.000 euros), remarque Haji Abdul Samih.
Une fortune réservée à une élite dans un pays où environ 21,9 millions de personnes - soit 45% de la population - aura besoin d'aide humanitaire en 2026, selon les dernières prévisions du Bureau de coordination de l'aide humanitaire des Nations unies (Ocha).
Après des décennies de guerre, l'Afghanistan est aussi confronté aux conséquences dramatiques du réchauffement climatique ainsi qu'au retour de millions d'Afghans renvoyés brutalement d'Iran et du Pakistan. Début 2025, 12,6 millions de personnes y souffraient d'insécurité alimentaire sévère.
"Bien sûr les pauvres ne peuvent pas se permettre d'avoir de telles voitures", reconnaît Haji Abdul Samih. "Mais ce qui est bien, c'est que les jeunes hommes de Kandahar emmènent beaucoup de gens de milieux défavorisés jusque dans ce lieu de pique-nique dans les dunes et puis, ils les ramènent chez eux ensuite, après le rassemblement", ajoute-t-il.
Comme en Europe, aux Etats-Unis ou au Moyen-Orient, la passion pour les véhicules tout-terrain et l'automobile est partagée par de nombreuses catégories sociales en Afghanistan.
Et dans un pays où les autorités talibanes ont interdit la musique et le cinéma depuis 2021, ces rassemblements automobiles dans le désert constituent une des rares distractions et sont de plus en plus populaires.
A la nuit tombée, la lune orange paraît dans le ciel, et nombre de spectateurs tirent des feux d'artifice autour des voitures.
L.Bohannon--NG