Transat Café l'Or: Michel Desjoyeaux, le "professeur" continue d'apprendre
Double vainqueur du Vendée Globe et marin d'exception, Michel Desjoyeaux reprend le large dimanche du Havre pour la Transat Café L'Or. Un retour aux affaires après six ans d'absence que le navigateur a utilisé pour "se faire plaisir" et continuer à apprendre.
"On est avant tout là pour se marrer", glisse, espiègle, le Finistérien de 60 ans, depuis le pont du Class40 Trimcontrol, prêt à partir pour Fort-de-France en duo avec le chef d'entreprise Alexandre Legallais.
Pendant un temps, les deux hommes ont travaillé au développement de penons électroniques, pièces permettant de mieux dérouler une voile. "Et un jour, Alexandre me dit : +tu aimes toujours concevoir ? Dessine un bateau, on court avec", se rappelle "MichDesj".
Absent des grandes régates depuis 2019 et une Solitaire du Figaro terminée à la 12e position, Desjoyeaux saisit l'opportunité et construit dans les locaux de Mer Agitée, sa propre écurie de course au large à Port-La-Forêt, un monocoque de 12 mètres.
"Je me suis éclaté, j'ai appris plein de choses. C'est de plus en plus dur de proposer une innovation au sens strict, mais il y a en permanence de bonnes idées à droite à gauche qu'on peut utiliser", détaille le triple vainqueur de la Solitaire du Figaro.
- "Un machin qui gigote" -
Une bôme télescopique, des modifications au bulbe de quille, à l'arbre d'hélice... Desjoyeaux, en éternel pédagogue, s'attache avec enthousiasme à détailler les choix de design osés en deux ans de travaux, comme s'il s'agissait de son premier voilier.
"Sur un bateau de course, il n'y a pas de gains marginaux, il n'y a que des gains essentiels. Pour moi, c'est une chance d'être dans un projet de compétition, car à un moment, il faut être au départ, cela t'oblige à te lancer, à dérouler", estime-t-il.
Malgré un léger retard en sortie de chantier, et après "un été à bien charbonner", Trimcontrol a été mis à l'eau en août. Le duo Desjoyeaux/Legallais a terminé 6e de la 40 Malouine La Trinquette, une course de 24 heures organisée à la fin de l'été.
"Je me suis un peu surpris sur les départs, cela n'a jamais été ma spécialité. Là, j'ai plutôt cartonné", dit-il. "Sur les pontons, certaines choses ont changé, mais au large, l'exercice est identique."
"Tu as un machin qui gigote dans tous les sens, ça s'appelle le vent, la mer. Ton outil change de taille, de format, mais il répond aux mêmes lois physiques", devise Desjoyeaux, qui s'est à la fois illustré en multicoque et en monocoque au fil des années.
- Jamais très loin -
S'il ne s'est pas élancé sur une compétition majeure depuis six ans, le marin n'est jamais resté loin des pontons, acteur majeur d'un univers dont il a participé à la transformation continue depuis les années 1980.
Développement de pièces, consultant pour divers médias, accompagnateur de luxe pour assister à des départs de course depuis son catamaran, Desjoyeaux "passe encore beaucoup de temps "sur l'eau et sur les chantiers".
"Je regarde encore ce qu'il se passe. Tant que je me fais plaisir, je continuerai. J'aime encore toutes les facettes du métier : la conception, la navigation, le partage de connaissances", explique celui qu'on surnomme "le professeur" depuis des années.
Il a pris un malin plaisir à former la petite équipe de quelques techniciens, jusqu'alors peu expérimentés, qui a permis à Trimcontrol d'être au départ de sa première grande traversée.
"Tu sais tout ? Dégage, ce n'est pas vrai. Tu ne sais rien ? Ça m'intéresse. À mon grand âge, il y a encore plein de choses que je ne sais pas, donc on va essayer de trouver des solutions ensemble", sourit-il.
G.Lomasney--NG