

Cognac : la Chine exige une hausse des prix pour éviter des droits de douane
Pékin exigera à partir de samedi une augmentation des prix des brandys européens - le cognac essentiellement -, sans quoi elle imposera des taxes antidumping, ce que l'Union européenne a dit "regretter" vendredi.
Pékin a débuté l'an dernier une enquête antidumping sur les importations de spiritueux européens cognac en tête, une riposte à la procédure européenne visant les subventions d'État chinoises dont bénéficient les véhicules électriques fabriqués en Chine.
Dans la foulée, des restrictions avaient été imposées aux importateurs, tenus de déposer une caution auprès des douanes chinoises.
Ces mesures ont porté un coup sévère à l'ensemble de la filière cognac française, qui affirme perdre 50 millions d'euros par mois.
Après des mois de négociations, le ministère chinois du Commerce a publié vendredi une liste de 34 producteurs de brandys s'étant accordés sur une hausse des prix.
Parmi eux, plusieurs producteurs de cognac, dont les principaux exportateurs comme Hennessy, Rémy Cointreau et Martell, qui vont donc échapper aux nouvelles taxes. Une issue "moins défavorable", selon le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), qui ne chiffre pas ces tarifs négociés.
Les autres producteurs, ou ceux qui ne gonfleront pas leurs prix, seront frappés de taxes allant de 27,7% à 24,9% à partir du 5 juillet, précise le communiqué du ministère.
"L'autorité chargée de l'enquête a finalement conclu qu'il y avait dumping sur le brandy importé de l'UE", affirme-t-il, ce qui porte un "préjudice substantiel à l'industrie chinoise du brandy".
- "Tendance inquiétante" -
Le communiqué ne précise pas le montant des hausses de prix demandées. Mais la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux avait indiqué début juin que les négociations en cours portaient sur une augmentation de 12 à 16%.
"L'UE regrette la décision de la Chine d'instituer des mesures antidumping définitives sur les importations en Chine de brandy européen", a réagi devant la presse un porte-parole à Bruxelles.
Ces menaces "s'inscrivent également dans une tendance inquiétante de la Chine à abuser des instruments de protection en matière commerciale, en ouvrant et menant des enquêtes sur la base d'allégations douteuses et de preuves insuffisantes", a-t-il ajouté.
La Commission européenne va maintenant étudier ces mesures et décidera des prochaines étapes afin de protéger l'industrie européenne et les intérêts économiques européens, a-t-il encore souligné.
La France a multiplié les efforts ces derniers mois pour faire lever l'intégralité de ces restrictions, les jugeant injustifiées.
La présidente de l'Assemblée nationale française Yaël Braun-Pivet, en visite en Chine la semaine dernière, avait dit espérer une levée "dans les jours qui viennent" de l'ensemble des restrictions chinoises ciblant le cognac et l'armagnac.
- Contexte de tensions -
Ce coup de semonce intervient alors que le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, a enchaîné les entretiens tendus avec ses homologues lors d'une tournée en Europe cette semaine.
Le sujet sera probablement au coeur des discussions entre Wang Yi et son homologue français, Jean-Noël Barrot, ainsi qu'avec le président français Emmanuel Macron, prévues vendredi après-midi à Paris.
La deuxième économie mondiale est un marché majeur pour le cognac français, avec des exportations atteignant 1,4 milliard d'euros par an.
Mais les choses se sont envenimées lorsque l'UE a imposé en octobre dernier des taxes supplémentaires à l'importation pouvant aller jusqu'à 35% sur les véhicules électriques chinois.
Pékin a ensuite déposé une plainte auprès de l'Organisation mondiale du commerce, qui a indiqué en avril qu'elle mettrait en place un groupe d'experts pour évaluer la décision européenne.
La Chine et l'UE doivent tenir un sommet ce mois-ci à Pékin pour marquer le 50e anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques.
Selon le média Bloomberg News, citant des sources anonymes, les autorités chinoises envisagent d'annuler la deuxième journée du sommet, signe de tensions entre Bruxelles et Pékin.
Plusieurs dossiers épineux ont terni leurs relations ces dernières mois, dont le soutien de Pékin à son allié russe et les questions commerciales.
La Chine mène "des cyber-attaques, interfère dans nos démocraties et pratique un commerce déloyal. Ces actions nuisent à la sécurité et à l'emploi en Europe", a affirmé mercredi Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie européenne.
Ch.Hutcheson--NG